Fête, danse, Champagne, baiser de minuit,… : est-ce que ces facteurs seraient à l’origine d’un mini-baby boom annuel 9 mois après la nuit du nouvel an ?
Réponse : c’est faux (du moins en France), et facile à vérifier car nous disposons des statistiques de naissances mensuelles diffusées par l’INSEE.
On entend parfois dire que le jour de l’an (ou plutôt la nuit du réveillon) est propice aux rapprochements des deux sexes et serait pour cette raison à l’origine d’un boom de naissances 9 mois plus tard. C’est une histoire plutôt sympathique, un marronnier classique des journalistes. Ils lui ont même donné un nom : "l’effet Saint-Sylvestre". Hélas, si on se réfère précisément aux statistiques de naissances en France, on découvre que ce fameux pic n’est pas évident, loin de là.
La vérification n’est pas (trop) compliquée, car la date de conception des "bébés du nouvel an" est - par définition - très précise : entre le 31 décembre et le 1er janvier.
Pour trouver la date (ou la période) de pic présumé de naissances liées à cette fécondation du 1er janvier, il suffit d’ajouter la durée moyenne d’une grossesse : 266 jours à partir de la fécondation (j’ai pris cette durée moyenne comme base, même si elle peut varier de quelques jours, ne pas confondre avec la notion de semaines d’aménorrhée, autre méthode de mesure de la durée d’une grossesse, qui n’est pas pertinente dans le cas qui nous intéresse). La durée réelle moyenne d’une grossesse est donc de 38 semaines soit environ 9 mois au calendrier. On devrait observer le fameux "baby boom du réveillon" vers le 23 septembre. Cependant, les bébés ne naissent pas tous exactement au bout de 38 semaines (notamment ils peuvent naitre un peu avant le terme), on doit donc ajouter une "marge" dans le calcul de la date de naissance des "bébés du nouvel an", qui sont donc théoriquement nés entre 35 semaines et 39 semaines après le 1er janvier. Cela donne au final : les "bébés du nouvel an" naissent normalement entre le 245e et le 273e jour de l’année, soit entre le 2 et le 30 septembre. Pour arrondir, et pour faire plaisir à ceux qui pensent qu’il faut tenir compte des années bissextiles (forts en maths ou chercheurs en herbe), disons que les "bébés du nouvel an" naissent en septembre, ce qui - si la "rumeur du pic du nouvel an" est fondée - devrait accroître sensiblement les statistiques de naissances enregistrées ce mois-là.
On observe que les naissances ne sont pas réparties de façon homogène tout au long de l’année. Elles sont plus nombreuses à certaines périodes qu’à d’autres. Ce phénomène a toujours existé, mais a évolué avec le temps. Voyons si le mois de septembre sort du lot ? Pour être le plus exhaustif et précis possible, et ne pas prendre en exemple une seule année (ou un petit nombre d’années), j’ai fait la moyenne des naissances déclarées chaque mois entre 1968 et 2016.
Et les résultats sont (voir aussi la figure jointe : septembre est en rouge) :
Nombre moyen de naissance déclarées chaque mois de 1968 à 2016 (INSEE) [1] • Janvier = 63 921 • Février = 59 003 • Mars = 64 908 • Avril = 64 440 • Mai = 68 372 • Juin = 65 665 • Juillet = 68 654 • Août = 65 564 • Septembre = 64 240 • Octobre = 65 088 • Novembre = 61 751 • Décembre = 64 135 • Moyenne mensuelle tous mois confondus = 64 645
À noter : Le jour où le plus grand nombre de naissances ont été déclarées : le vendredi 4 mai 1973 (faites le calcul : vers le 11 août 1972, les français ont dû pas mal faire la fête).
Je vous laisse refaire les calculs et constater que septembre est très banal en ce qui concerne la moyenne de naissances. Les forts en maths et chercheurs en herbe vont crier : "Mais en février on nait moins !" Je vous laisse deviner pourquoi (vous avez 4 heures). Les mêmes m’argueront (verbe peu facile à placer) que septembre est défavorisé dans mes calculs car il ne comporte que 30 jours ; j’arguerai que j’ai refait les calculs en pondérant selon le nombre de jours, et sur différentes périodes temporelles : globalement j’obtiens le même résultat d’une absence d’aspérité hautement remarquable et "boomesque" en septembre.
Enfin, je vois que certains (au fond à gauche) ont encore des doutes, et imaginent un jour précis de septembre où on constaterait ce fameux pic correspondant à une fécondation pile 9 mois avant, précédé et suivi d’une accalmie (les fêtards se préparent, puis se reposent). Je joins donc la courbe jour par jour des naissances déclarées au mois de septembre entre 1968 et 2016 : pas plus de "pic de naissances en septembre" que de beurre en branche. J’ai même comparé les naissances du 23 septembre sur 20 ans à celles du 23 de tous les autres mois : re-rien.
En(re)fin, les plus malins disent : "oui, mais en septembre 2000, après la grosse teuf du 31 décembre 1999, il n’y a pas eu de pic peut être ? Mmmh ?". Je leur réponds : moyenne mensuelle de naissances vivantes en 2000 = 64 565 ; nombre de naissances en septembre 2000 = 64 297. Rien, je vous dis.
(re)en(re)fin, j’entends certains (au premier rang) dire : "oui mais certaines années c’est vrai !". À ces derniers, je réponds : vous n’avez vraiment rien de mieux à faire de vos journées ?
Alors, pourquoi cette (sympathique) "légende" ? Le coup du "mini baby boom" après un événement festif semble être un classique de "fake news" très largement relayée par les médias. Les journalistes y voient probablement là une "nouvelle" amusante et sympathique à diffuser et qui aura une belle audience. L’origine est généralement tirée d’une publication ou d’une déclaration pseudo-scientifique, mais parfois aussi d’une simple blague de médecin. C’est la cas pas exemple pour la nouvelle d’un "baby boom" en Islande 9 mois après la victoire historique de l’Islande sur l’Angleterre à l’Euro 2016 de football. Le 27 mars 2017, neuf mois après cette victoire décisive de l’Islande, Ásgeir Pétur Þsorvaldsson, médecin en Islande, a publié un tweet pour plaisanter suggérant qu’un baby-boom s’était produit suite à l’intensification de l’activité coïtale après la victoire ("Record du nombre d’épidurales à la maternité ce weekend, 9 mois après la victoire 2-1 contre l’Angleterre") [2]. Les médias en ont largement parlé, y compris une vidéo de la BBC sur Facebook, qui a été vue 1,8 million de fois (en mai 2017) [3]. Le Dr Þorvaldsson a par la suite confirmé que les médias ne l’avaient pas contacté pour vérifier le fondement scientifique de son tweet et il avait confirmé que son message était faux. Victor Grecha et Gwinyai Masukumeb ont, dans un article publié en 2017, analysé le mécanisme de cette fake news et démontré chiffres à l’appuis qu’il n’y avait pas eu de baby boom.[4]
Si vous voulez connaitre les mois où on observe le plus de naissance en France, voici les commentaires publiés sur le site de l’INSEE (mise à jour 2019) : "En 2019, 753 000 bébés sont nés en France. Juillet est, comme chaque année depuis 2013, le mois où il y a le plus de naissances. Il n’en a pas toujours été ainsi. En un siècle, la saisonnalité des naissances s’est quasiment inversée. Des années 1850 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les naissances étaient les plus nombreuses entre février et avril. Le pic annuel s’est décalé au printemps pendant le baby boom, puis, depuis les années 1990, au début de l’été. Il s’est également atténué. A contrario, jusqu’à la fin du baby boom, un creux des naissances avait lieu à l’automne. Il commence à s’estomper dans les années 1980. Il se décale également vers l’hiver. En 2019, il est davantage marqué en mars et avril. La répartition des naissances selon les jours de la semaine s’est aussi modifiée. Entre la fin des années 1960 et les années 1990, avec leur médicalisation, de moins en moins d’accouchements ont eu lieu le week-end. Depuis 1997, la part des naissances le week-end repart à la hausse, mais les samedis et dimanches restent les jours où il naît le moins d’enfants."
On constate donc que les "pics" des naissances dans l’année sont assez variables selon les époques et qu’il est difficile de distinguer des tendances : certaines années le mois de septembre peut enregistrer des records, et pas à d’autres années. Pourtant, si on considère que les Français fêtent le nouvel an tous les ans ce "baby boom de la Saint-Sylvestre"" devrait se voir tous les ans.
Par ailleurs, tout ce qui vient d’être abordé concerne les naissances, pas les "conceptions" (pas toutes suivies d’une naissance, puisqu’il peut y avoir des interruptions de grossesse). Savoir si il y a un boom de conceptions dans la nuit du nouvel an est plus difficile à calculer et à interpréter, je ne m’y risquerai pas.
Il ne semble pas y avoir, en France, de pic de naissances généralement enregistré suite à la nuit du nouvel an, si on se réfère aux moyennes des naissances mensuelles de 1968 à 2016. Si on se réfère à l’âge du capitaine au 31 décembre, je ne sais pas. Pour la Lituanie, je n’ai pas vérifié. Pour la Chine, tous mes calculs sont faux. Voici une info qui va vous permettre de briller en société le soir du réveillon.
Source : 1. Les naissances en 2016 - Tableaux de séries longues − Les naissances en 2016 | Insee. https://www.insee.fr/fr/statistiques/2904770?sommaire=2898646
2. The Telegraph, Baby boom in Iceland hospital nine months to the day since win over England at Euro, Available : https://www.telegraph.co.uk/football/2017/03/28/birth-record-iceland-hospital-nine-months-day-since-win-england/, (2016) , Accessed date : 11 April 2019.
3. BBC News beat, What’s behind Iceland’s baby boom ? Available : https://www.facebook. com/bbcnews/videos/10156097298494968 , Accessed date : 11 April 2019.
4. Grech V, Masukume G. Fake news of baby booms 9months after major sporting events distorts the public’s understanding of early human development science. Early Hum Dev. 2017 115 : 16-17.
Ce forum est modéré a priori : votre contribution n'apparaîtra qu'après avoir été validée par un administrateur du site.
Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.
[->url] {{gras}} {italique} <quote> <code>
<q> <del> <ins>
Veuillez laisser ce champ vide :